L’enjeu est de taille : l’agriculture doit assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’une population mondiale croissante et contribuer à limiter l’érosion de la biodiversité, tout en s’adaptant afin d’atténuer les effets négatifs des changements climatiques actuels et à venir. Ces grands défis placent les productions végétales au centre de toutes les attentions. Dans ce contexte, les modèles de culture s’avèrent être des outils essentiels à la réalisation d’évaluations ex-ante, qui permettent l’exploration de scénarios contribuant à orienter les politiques publiques pour relever ces grands défis. Plus particulièrement, nous pouvons grâce à ces modèles de cultures savoir quelle quantité de nourriture peut être produite à l’échelle globale, aujourd’hui, mais aussi dans le futur.
Grossièrement, les modèles de culture peuvent être résumés à des ensembles d’hypothèses complexes, qui se présentent sous de nombreux formalismes, et qui sont conçues à des fins diverses, notamment la simulation des comportements des cultures. L’importance de ces modèles et de leur utilisation pour approfondir nos connaissances est tel qu’il se reflète dans les contributions d’environ 400 scientifiques de 48 pays lors du second symposium international sur la modélisation des cultures (iCROPM2020), qui s’est tenu en février 2020 à Montpellier, en France. Au centre des recherches présentées se trouve l’évaluation de l’impact du changement climatique, principalement à travers la simulation des rendements des principales cultures céréalières.
La thématique du changement climatique mérite à juste titre l’attention de la communauté des modélisateurs. Pourtant, les évaluations d’impact de ces changements impliquent des niveaux d’incertitude importants : en effet, quelle que soit la qualité des modèles de cultures, la capacité à prédire les conditions climatiques diminue de façon exponentielle avec des horizons temporels croissants. De plus, alors que la modélisation peut aider à concevoir des stratégies de conduite de cultures permettant de faire face à la variabilité climatique à court terme, de tels itinéraires techniques pour des prédictions climatiques à plusieurs décennies dans le futur ne sauraient être adaptés aux conditions actuelles.
C’est en cela qu’afin d’être pertinents dans la conception de politiques publiques et éviter une utilisation abusive des preuves scientifiques par différentes parties prenantes, les modèles de culture se doivent d’être intégrés dans un contexte clairement délimité. Le meilleur moyen d’y parvenir est l’adoption d’une approche multi-échelles, multidimensionnelle et multipartite, qui est une caractéristique clé des pratiques d’évaluation intégrée des politiques agricoles. Pourtant, à l’heure actuelle, peu d’équipes de recherche semblent relever ce défi. En particulier, les études visant à contextualiser les résultats des modèles de cultures au niveau des exploitations sont rares, bien qu’il s’agisse d’un niveau clé auquel les arbitrages se produisent lorsque les agriculteurs prennent des décisions sur l’allocation des ressources.
Pour l’avenir, il ne fait aucun doute que les modèles de cultures continueront de jouer un rôle central dans la recherche agricole. L’amélioration de ces modèles doit rester au premier plan afin de combler les lacunes de connaissances existantes, ce qui ne peut être fait que par un cycle de recherche combinant expérimentation et simulations. Enfin, afin de garantir la crédibilité (“la chose est-elle bien faite?”), la saillance (“est-ce la bonne chose à faire?”) ainsi que la légitimité (“y a-t-il un droit de faire cela?”) de leurs modèles de cultures, les chercheurs doivent également se conformer aux systèmes de contrôle de la qualité. Ce n’est qu’alors que ces modèles deviendront des outils fiables de conseil politique et pourront réaliser leur plein potentiel pour relever les grands défis auxquels sont confrontés les systèmes agricoles pour les décennies à venir.
SOWIT tend à s’approprier ces modèles pour en faire sa colonne vertébrale, fournissant dès lors des outils d’aide à la décision éprouvés et multi-dimensionnel aidant l’agriculteur à faire face, comme il se doit, au champ des possibles.
Cet article, traduit depuis le blog de l’éditeur Cambridge University Press (https://www.cambridge.org/core/blog/2021/04/23/crop-models-and-the-grand-challenges-for-the-21st-century), résume l’article “Grand challenges for the 21st century: what crop models can and can’t (yet) do“, sélectionné en tant qu’éditorial pour publication dans The Journal of Agricultural Science.